Leonardo Cremonini

Leonardo Cremonini

Peintre emblématique des scènes artistiques française et italienne des années 1950 à 1990, Leonardo Cremonini (1925-2010) connut la gloire de son vivant.

Admiré par ses pairs tels que Francis Bacon et par les écrivains, à l’instar d’Alberto Moravia, Italo Calvino, Umberto Eco, Louis Althusser, Michel Butor ou Régis Debray, son œuvre est représentée dans de nombreuses collections publiques (Musée national d’art moderne, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, MoMa, Galerie d’art moderne de Milan…) et privées.

BIOGRAPHIE

Parfois associé aux artistes de la Figuration Narrative dont son style se départit pourtant, Cremonini, né à Bologne, a fréquenté l’Académie des Beaux-Arts de Bologne puis l’Académie de Brera à Milan dans les années 1940, avant de s’installer à Venise en 1950, où il est remarqué par Peggy Gugenheim, qui lui fournit un atelier. Dans les années 1950, alors qu’il s’installe à Paris, il travaille dans une veine expressionniste où il écartèle les formes minérales, végétales et animales selon des rapports primitifs, suscitant déjà un fort intérêt (ses premières expositions à New York et aux Etats-Unis ont lieu à cette époque). Son style évolue dans les années 1960 vers une peinture plus construite, intellectuelle, au goût métaphysique et aux couleurs puissantes tandis qu’il s’attelle à des sujets différents. Dans les années 1980, il enseigne aux Beaux-Arts de Paris, aux côtés d’Alechinsky et Cueco.

Mort en 2010, d’importantes rétrospectives muséales ont été consacrées à Leonardo Cremonini au cours de sa vie, de Paris à Tokyo, en passant par New York, Prague, Bâle, Bruxelles, Athènes et Milan. Ses oeuvres sont conservées dans de nombreuses collections publiques à travers le monde.

L’oeuvre

Attiré par les ambiances balnéaires de son enfance italienne, Cremonini représente estivants hébétés sur les plages, enfants jouant et couples inconsolés qu’il décline en autant de situations dramatiques qu’elles sont banales. Ce dramatique sans drame, il le figure avec une peinture au chromatisme exacerbé, captant parfaitement l’atmosphère lourde de la chaleur d’été, tout en restant silencieuse. Il joue sur des cadrages géométriques, très construits, employant des formats souvent oblongs ou utilisant les jeux de reflets de miroirs, les plans en enfilade d’une pièce à l’autre, qui dilatent et déforment l’espace.

Ses tableaux évoquent la puissance du désir, ses jeux, ses interdits ; sa peinture dépeint également admirablement les souvenirs de l’enfance, l’ennui, l’abandon, l’incompréhension – des rapports émotifs sur lesquels on ne parvient pas à mettre de nom mais dont on sent la prégnance dramatique dans ses tableaux. Ce dramatique, il réussit à le faire remonter à la surface de ses toiles, ce qui poussa Moravia et Régis Debray à consacrer Cremonini comme le peintre de l’angoisse existentielle.

Cremonini accordait la même importance au dessin qu’à la peinture : dans ses oeuvres graphiques, il emploie souvent des réseaux de hachures qui rappellent l’art de la gravure, témoignant d’un trait d’une finesse remarquable. Si, à travers le dessin, il traite souvent les mêmes thématiques, il lui arrive aussi de s’attaquer à des sujets moins fréquents que dans sa peinture, comme le portrait, des vues de machines ou encore des scènes de pêche.

Le peintre de Moravia, Calvino et Umberto Eco

Son art, puissamment poétique et propice aux exégèses, a nourri les réflexions des plus grands intellectuels de son temps : Moravia, Calvino, Eco, Althusser, Lyotard, Debray, Butor, tous ont écrit des textes sur la peinture et le dessin de l’artiste installé entre Paris et l’Italie.

Umberto Eco disait de Cremonini : « sa peinture, même si elle est éminemment “picturale” [larges étalements, écarts, partitions géométriques et effacements de la matière], n’en est pas moins très littéraire et philosophique : elle raconte, organise des intrigues ambiguës et sous-entend une série de raisonnements [visuels bien sûr] sur le rôle du sujet, du regard, du désir et de la volupté ».